présentationPRÉNOM & NOM Un dernier écho tragiquement effondré dans les bras du grand Veryovkina. Milena Ozerov, six syllabes au souffle lyrique qui tapissent de plaies la chair pourtant déjà salie par les ecchymoses. Les larmes sont imprégnées du pus corrosif et poisseux, effluves archaïques aux douloureuses teintes de remords. Elle n’est plus, tombée dans l’humide berceau de son unique maison, emportant avec elle les maigres vestiges de leurs joies d’autrefois. Les sourires se sont déchirés ne laissant à la gueule que le choix de dégueuler détresse ou chaos. Misère assoiffée, l’excavatrice qui gratte, qui déchiquette le palpitant bien trop faiblard et qui sommeille dans une paresse mélancolique dont il ne sait se relever. Milena Ozerov est offrande au peuple de la terre, seul les restes de son festin jonchent sur le sol. Une poignée d’osselets poussiéreux que les vers n’ont pu ronger. À défaut de trouver mieux, ils s’acharnent en choeur sur la lueur spectrale de la figure fraternelle -
Bartek Ozerov. Vivant. Ou presque. Le pied se balance déjà dans le trou de sa tombe.
ÂGE ET LIEU DE NAISSANCE Le faciès s’est engourdi en quelques mois. Les cernes condamnent désormais les scintillements à ne plus miroiter dans son regard. Il n’a pas d’âge, il n’en a jamais eu. Faut dire qu’un sinistre magma s’est étalé sur son chemin il y a fort longtemps, que la verdure de son coeur s’est laissée consumer par les brasiers incessants. Les cendres l’emprisonnent, venant même se mêler à la pigmentation de sa peau. Couleur blafarde peinturée sur la carne désincarnée, ressemble de plus en plus à cette silhouette fantomatique qui tourmente les rues de
Keening Island. L’île l’a vu naître et elle le verra crever, probablement sur un coin de la route, comme une bête qu’une bagnole a percuté, déboussolée, esseulée et aux carnassières qui débordent des lèvres.
Automne 1957, des arbres nus tendaient leurs branches en direction du ciel, le suppliant de mettre fin à leur souffrance. Ils furent déraciner le lendemain matin par une orde de bûcherons errants. La voute céleste ne peut accorder sa miséricorde à de nombreuses âmes. En réalisant les prières de ces aulnes, elle ferma les yeux sur ceux du nouveau-né, lui faisant alors don d’une triste destinée.
ORIGINES De l’autre côté du continent, là où le pied ne sera jamais posé. Difficile de s’y méprendre avec un nom aux consonances si exsudantes. L’immaculé qui règne en maître, à l’instar des perles de neiges qui recouvrent les landes du pays onze mois dans l’année. L’azur en second, comme la nuit qui ne semble pas décidée à laisser sa place au jour. Et puis pour finir, le carmin en flaque d’hémoglobine aux allures de fleuve tant sa taille est imposante.
La Russie. Un peuple dont les barbaries font fantasmer les pays voisins qui s’amusent à les imaginer armés d’une faucille et d’un marteau à chaque main. Lassés par la splendeur hivernale, les Ozerov ancestraux se sont implantés à l’ouest de l’Europe, pour des raisons qui n’ont pu résister au ravage du temps et qui sont aujourd’hui enchaînées au tombeau de l’oubli. Bartek est
écossais. Il n’a pas le sentiment de l’être, du moins il s’en fout pas mal. Écossais, irlandais, libanais, peu importe. Il a le mal du pays partout. L’infortune ne s’empêche guère de violer les frontières du monde, et encore moins celles de Keening island.
PROFESSIONDes convictions qui l’enveloppent depuis la dure enfance, faut reconnaître que le grand père a salement modelé le gosse à son image. Bartek n’est que pâle reflet de cet homme qu’il ne deviendra jamais. Qu’une esquisse baveuse, qu’un vulgaire croquis que l’on a griffonné sur un papier avant de le froisser. Les bouillonnements de ses flux l’ont conduit à suivre la voie du géniteur originel, Bartek n’est rien d’autre qu’
un flic. Salement formé à débarrasser la vermine qui rôde dans les rues, à noyer les échines démoniaques dans le Styx de la Justice. Les avertissements étaient pourtant nombreux, « Ne sors pas de la maison, tu risques de tomber sur un loup » assurait le vieil homme, mais le gamin n’entendait que balivernes et calomnies. Perché derrière sa fenêtre, il s’aventurait dans des songes de ladite liberté, dans la vision d’un monde assujetti par la bienveillance et la compassion. Du genre à écouter aux portes, à entendre les parents se plaindre de l’enfer qui reprenait peu à peu ses droits sur terre, à frémir lorsque le père grand contait les effroyables récits de boucherie humaine. Le doute ne le tortura guère longtemps, il sût rapidement qu’il devait faire preuve de bravoure pour soigner les maux de Keening Island. Loin de concevoir qu’il était, lui aussi, assiégé par le vice et la misère morale. Face à un système aussi corrompu, la loi ne peut que faillir. Alors lorsque la nuit tombe, il s’arme de la douceur de ses poings, voile sa petite gueule derrière une cagoule et condamne les loups à sa propre justice. N’a plus que la vengeance dans le sang.
Héros masqué, à l'image de tous ces personnages de comics qui ont vainement tenté d'égayer l'inconsolable lorsqu'il était encore mioche. « Milena, tout ça est pour toi ».
SITUATION FINANCIÈRELes biftons ne manquent pas. Abrités au fond de ses poches, des liasses y sommeillent. Il ne sait pas dépenser Bartek. Ses tunes, il les garde au cas où, dit-il sans même savoir quoi placer après le où. Il n’a pas été élevé avec un grand appétit pour l’argent et le luxe, il a toujours
vécu convenablement mais il ne se soucie pas de ce que peut lui apporter l’argent. Le garçon se contente de rien, à défaut de vouloir mieux. Toujours ces mêmes fringues, ces mêmes clopes, cette même bouffe. Comme s’il n’avait pas l’idée de vivre mieux, de vivre tout court.
SITUATION AMOUREUSE « Pas le temps » c’est ce qu’il dit à chaque fois qu’on lui rappelle le nombre d’années qu’il a passé à
s’isoler. Le myocarde transpire de pathétisme, odeurs douteuses qui le retiennent de fonctionner à nouveau. La peur est son marionnettiste lorsqu’il est question d’Amour. Il lui arrive de se tremper dans des corps malfamés et suintant d’ivresses. Ces
femmes, ces carcasses qui ne le méritent probablement pas mais qui ont au moins le mérite de ne pas trop causer pendant qu’il les nique. C’est tout ce qu’il se demande lui, combler ses instincts primaires sans avoir à retenir ces visages qu’il rêve déjà d’oublier. Frisson de dégoût lorsqu’il abandonne sa jouissance dans les gouffres immoraux. Il les déteste tellement. Il ne le sait pas encore, mais il croisera le chemin de la Putain. Celle qui fera si mal, celle qui se frottera au son de ses douleurs. L’envie de la faire geindre, avec des coups et avec la langue aussi. L’envie de la voir se plier sous l’autorité de son regard et de ses phalanges bien trop affamées. L’envie de la cisailler avec les caresses et de tordre sa nuque avec un baiser. L’envie. Elle est loup et piège à loup à la fois, dans tout les cas le danger ne peut être qu’imminent. Et puis il y a aussi la voleuse, la fourbe, l’espiègle et la tarée. Oh, des noms, il pourrait passer ses journées à lui en donner qu’il aurait pourtant l’impression de ne jamais en manquer. Un amour de gamin, une page de tournée mais le chapitre ne semble pas conclu pour autant. Leurs routes sont encore liés par les épais sanglots de leurs destins.
LIEU D'HABITATION Dans un appartement en location à
Brùnaidh Village. C’est pas bien beau, pas bien propre non plus. Les rideaux obstruent la lumière, les tâches de cafés et les cendres de cafés décorent le parquet déjà bien usés. Ça fait longtemps que la vie n’habite plus les lieux.
IDENTITÉ DU PERSONNAGE DE CONTE L’histoire d’un môme prétentieux qui ne voulait écouter les paroles sages de son grand père. L’histoire d’un loup qui répand son mal dans tout un village. L’histoire d’un canard qui se fait tragiquement dévorer.
Pierre et le loup, Pierre est le loup.