Je crois en la mort, la destruction, le chaos et la cupidité. [Laszlo]

La pluie battait contre son corps frêle, mais elle avançait, dans l'immensité de la nuit, attendant patiemment. Le seul bruit des vagues venant la bercer, lui rappelait qu'elle était encore éveillée, prête à chasser. Il était rare maintenant, qu'elle chasse en solitaire, mais l’excitation lui brûlait le cœur, lui faisait repenser à ses premières années, lorsqu'elle était seule, qu'elle choisissait elle-même ses proies, qu'elle filait dès la nuit tombée et qui prenait ce qui l'intéressait. Ses premiers objets parfaitement protégés, qu'elle chérissait par-dessus tout, les autres accumulés au fur et à mesure des années, elle ne les appréciait pas autant. Il y avait quelque chose de plus fort, de plus puissant, un sentiment d'attachement si particulier par rapport à ses premiers vols.

Elle n'avait prévenu personne de sa destination. Scylla ne pouvait pas prendre le risque qu'ils s'infiltrent si loin dans la nature, elle refusait que son propre eldorado soit mis en péril, elle craignait que son propre gang ne découvre son précieux secret et qu'elle n'est plus le choix d'avouer sa faute. Elle, qui quittait chaque soir, son trône et sa grandeur, fuyant tous ses artifices et ses craintes et vivant pleinement dans sa jungle enchantée, son seul point d'ancrage, son passé.

Le froid commençait à lui engourdir les doigts mais elle ne bougeait pas. Scylla voulait être certaine d'être seule, de réussir son coup, de fuir rapidement et partir avec son trésor. Le phare était complètement silencieux, le vent semblait le décaler un peu plus à chaque mouvement, le faisait grincer, l'impression qu'il donnait qu'il allait s'effondrer. Elle n'arrivait pas à croire que quelqu'un est pu s'installer dans un tel lieu, surtout lui.

Elle l'avait croisé en ville, sans vraiment le regarder. Et puis, au fur et à mesure du temps, elle avait remarqué qu'il prenait le même chemin qu'elle, qu'il quittait la ville sauvage et cherchait autre chose. Au fil des semaines, elle avait découvert où il vivait, impressionné d'imaginer un tel sentiment solitaire qui l'a renvoyait indéniablement à elle.

Par sa curiosité malsaine, elle s'était intéressée de plus près à l'ermite qui ne semblait jamais sortir de sa tombe et elle avait voulu découvrir le mythe derrière sa carapace. Et ainsi, elle avait finie par se retrouver ici, cachée derrière les quelques arbustes qui la dissimulaient. Elle venait découvrir ses trésors cachés, car ces hommes-là, elle les reconnaissait maintenant.

Il y avait toujours des trésors d'une beauté divine, qui la faisait défaillir au-delà de son entêtement, de sa prise de risque, de sa fougue encore si juvénile.

Dans la nuit, sa silhouette se dessinait à peine, rien de plus qu'une ombre passagère, pas plus grande qu'un animal qui courait derrière sa proie. Elle atteignait le phare sans aucun mal, posait ses mains expertes sur la porte en ferraille, craignant qu'elle ne grince mais, elle n'en fit rien. Le silence était noir et la nuit glaciale. Seul le vent venait lui tenir compagnie, lui indiquant les mouvements et les bruits autour d'elle. Un dernier regard vers l'extérieur, un tour de poignée et elle se rendit compte que la porte n'était même pas bien refermée. Trop de facilité, ça l'aurait presque inquiétée. Mais sa vanité lui montant à la tête, elle ne se posait pas une seule question.

Arrivée dans la pièce principale, elle épiait chaque respiration du lieu. Rien que le néant. Ses yeux s'habituèrent rapidement à l'obscurité, la lune seule, l'accompagnait comme éclaireuse. Pas question de prendre une seule lampe, le risque était trop grand, la lumière aurait reflété à des kilomètres. Il valait mieux jouer la rapidité, quitte à revenir une nouvelle fois, un peu plus tard, quand l'histoire se serait tassée, qu'elle aurait imprimé les lieux dans sa mémoire, pouvant presque se déplacer les yeux bandés.

Elle fouillait, rapidement et consciencieusement, cherchant le bronze et l'argent, passant d'un objet à un autre, des vieux vases prenant la poussière, des vieilles chaises dans un état parfait mais trop lourd pour elle, non, elle cherchait le petit détail, la pièce manquante à sa collection.

C'est alors, qu'elle la vit. Le détail doré illuminé par la blanche lune attira son œil expert. Il était son trésor, son bel objet, sa trouvaille. La chevalière était simplement posée, attendant le retour de son Maître, mais Scylla la récupéra dans sa frêle main. Elle sentait la fragilité émanée de l'anneau en or et ne put s'arrêter de la contempler au plus proche de la fenêtre. Là, elle reflétait sa plus belle beauté, et elle en fut subjuguée, tellement obnubilée, qu'elle ne remarquait pas les pas silencieux qui arrivaient sur elle.