prince of thieves • (shehzad)

Comme régulièrement, lors des nuits de pleine lune, Aladdin veillait jusque tard dans la nuit. Ce n'était pas tant l'attraction de l'astre qui perturbait son sommeil, mais davantage l’éclatante splendeur de celui-ci. Aladdin adorait l'admirer depuis les terrasses du palais. Sa lumière était si intense, qu'il lui semblait que le jour ne se soit jamais couché derrière les dunes de sable. Adossé à une colonne de marbre, les jambes pendues au-dessus du vide, le prince d'Agrabah regardait les lumières de son royaume avec une infinie tendresse. Fût un temps, pas si lointain, où il profitait du même spectacle nocturne, depuis les ruelles bruyantes de la ville. Parfois, il y retournait en secret. Il s'échappait des audiences interminables et autres célébrations protocolaires, pour se fondre à nouveau dans la foule des marchants, des voyageurs et autres habitants d'Agrabah. Il aimait sentir la poussière dégagée par les sabots des ânes, goûter à toutes les saveurs des épices offertes en étalage et chaparder quelques fruits stockés à l'arrière des charrettes (il ne pouvait pas s'en empêcher). Des petits plaisirs nostalgiques qui consolaient l'humeur soucieuse d'Aladdin, ces derniers temps.

Soudain, un rayon argenté sabra le ciel étoilé au-dessus de sa tête. « Il est de coutume de faire un vœu lorsqu'une étoile tombe du ciel » commenta une voix familière derrière lui. Le jeune prince vit-volte face, s'accrochant à la rambarde du balcon pour ne pas tomber et reconnut immédiatement le visage de celui qui lui avait autrefois sauvé la vie. « Génie ! » s'exclama-t-il en bondissant sur le sol du palais, pour aller embrasser son ami. L'accolade fût vive et chaleureuse. Aladdin n'eût pas le temps de prononcer un seul mot, que le génie l'avait déjà arrosé de commentaire, ébouriffé ses cheveux, tourné autour de lui pour examiner chaque centimètre du vêtement qu'il portait, demandé des nouvelles de tout le palais, de Jasmine, d'Abu et même de Rajah. Tout cela dans un flot ininterrompu de parole, qui provoqua un soupir de tendresse chez le jeune prince. « Tu m'as manqué, mon ami » avoua-t-il en souriant. Cette phrase eût comme prodige de faire taire l'intéressé pendant quelques secondes, avant que celui-ci ne se frotte le coin de l’œil, chatouillé par une poussière.

Les deux amis passèrent une bonne partie de la nuit à parler ensemble, tout en déambulant dans les couloirs du palais. Le génie raconta à Aladdin l'immense voyage qu'il avait entreprit depuis qu'il était libre. Il avait traversé tout Aradhan, découvert des contrés fabuleuses, rencontré des personnalités tout à fait originales et croisé le chemin de créatures si étranges que le jeune prince n'arrivait point à se les figurer. « Tu as réalisé ton rêve, génie » commenta Aladdin, avec une certaine admiration dans la voix. Il savait combien la liberté pouvait être précieuse et que personne n'avait autant mérité de la croquer à pleine dent, que son cher génie. « C'est grâce à toi » lui dit ce dernier. Le jeune prince sourit en coin, gêné. Leur conversation les avait amené jusqu'aux jardins du palais. Là, Aladdin s'installa sous un arbre fruitier, duquel il cueillit une figue à peine mûre. Le génie l'imita en venant s'étendre à ses côtés. « Son altesse Ali Ababwa aurait-il la nostalgie des jours de disette ? » demanda-t-il, l'air interrogateur. Aladdin resta stupéfait. Son ami avait toujours lu en lui comme dans un livre ouvert, cela en était presque agaçant. Sans accorder un regard au génie, il découpa la figue en tranche pour commencer à la dévorer. « La disette, non. Mais l'insouciance, oui » confia-t-il, avec difficulté. Bien que faire courir les gardes l'avait toujours amusé, il ne souhaiterait pour rien au monde connaître à nouveau la misère. Une vie de voleur n'a rien d'une vie de bonheur, surtout lorsque les produits issus de larcins servent uniquement à survivre le lendemain et non à s'enrichir. « Parfois, j'aimerais être de nouveau Aladdin. Juste Aladdin. Jasmine est née pour régner, mais pas moi. La seule raison pour laquelle je désirais être prince, c'était pour être avec elle » avoua-t-il, à cœur ouvert. Le prince se leva pour marcher un peu et fuir le regard du génie, qu'il savait en train de l'observer. Il n'avait parlé de cela à personne jusqu'à présent, pas même Jasmine. Comment lui avouer ses craintes, sans qu'elle ne s'inquiète elle-même ? C'était impossible. « Me trouves-tu égoïste ? » questionna-t-il, en se retournant finalement vers son ami, les yeux pleins de doute. « Égoïste est le dernier qui me viendrait à l'esprit pour te définir. Tu n'es peut-être pas né pour régner, mais cela ne veut pas dire que tu ne peux pas être un bon prince. Comme je l'ai dit autrefois, ma magie n'a rien changé en toi, tu avais déjà tout. Et qui mieux qu'un garçon des rues pour comprendre les réels besoins du peuple ? » répondit le génie, en venant se placer face à lui. Aladdin laissa tomber sur le sol, la peau verdie du fruit qu'il avait dans les mains. Encore une fois, son ami avait vu juste. Malgré l'amour de Jasmine, la peur de ne pas être à la hauteur l'habitait constamment. Son cœur lourd s’allégea volontiers à ces paroles réconfortantes. « Tu ferais un très bon Visir, tu sais » commenta Aladdin, avec un sourire malicieux. Les deux amis se mirent à rire, avant de se serrer à nouveau dans les bras. Pendant un instant, le jeune prince ferma les yeux et lorsqu'il les rouvrit, le génie avait disparu. Il n'était plus debout, mais allongé sous un figuier des jardins du palais. Aladdin venait de rêver. Un rêve qu'il espérait prémonitoire, car il avait hâte de revoir son ami, le seul qu'il n'ait jamais vraiment eu.